Un module gratuit est proposé sur Internet pour aider à repérer et à signaler les viols et agressions sexuelles commis sur les mineurs. En France, près de 130 000 filles et 35 000 garçons seraient violés chaque année, mais ils restent trop rarement dépistés.
« Ce module arrive à point nommé ! » Comme le note la psychiatre Muriel Salmona, il aurait été difficile d’imaginer un moment plus propice, pour lancer une nouvelle formation en ligne sur la « protection de l’enfant contre les violences sexuelles ». Depuis la publication, le 7 janvier, de La Familia grande, ce livre de Camille Kouchner accusant d’actes incestueux le politologue Olivier Duhamel, les témoignages de victimes pleuvent, glaçants, sur les réseaux sociaux, ponctués du simple #metooinceste.
Une fenêtre s'ouvre
« C’est assez historique », souligne la présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie : « Une fenêtre s’ouvre enfin, pour que ceux qui ont subi ces violences puissent en parler en sécurité, avec peu de retours négatifs pour les faire taire. » Or au moment où des tabous semblent ainsi emportés, voilà que Muriel Salmona, ce 19 janvier en vidéoconférence, présente une autoformation gratuite en libre accès, pour aider les professionnels à repérer, et à signaler, ces crimes et délits commis sur les enfants.
Une obligation pour tous
« Pour que le déni et la loi du silence cessent, il faut une implication de tous les professionnels en contact avec des enfants, mais aussi de tous les adultes », espère la présidente, qui a réalisé cette nouvelle formation en ligne avec des professionnels de la formation numérique du réseau Skillbar, après un précédent module contre les violences sexuelles sur les personnes handicapées. « Nous avons tous l’obligation légale de protéger les enfants de ces violences sexuelles », ajoute en écho la cheffe de projet Anne Baudeneau, elle aussi engagée dans cette réalisation bénévole.
Éclairer la législation
La législation figure d’ailleurs au programme de cette formation dense et gratuite, d’environ 30 minutes, accessible aux personnes en situation de handicap, et enrichie par rapport à une première version diffusée en juin. Plusieurs pages éclairent ainsi les distinctions entre viols et agressions sexuelles, les délais de prescription, ainsi que les obligations « de porter secours » et « d’intervenir pour prévenir les violences sexuelles », effectivement inscrites dans le code pénal.
Dévastations
Mais ce cours interactif fait aussi mesurer toutes les dévastations que peuvent provoquer ces violences sexuelles. À travers le monde elles frappent une fille sur cinq et un garçon sur treize, avant l’âge de 18 ans, avec en toute première ligne des enfants handicapés, ou précaires, ou encore vivant en institution... Or de telles atteintes marquent des cicatrices durables sur la santé, mentale et physique, ainsi que sur la vie sociale. « Mais la plupart de ces enfants ne sont pas protégés, car ils ne sont pas dépistés », alerte Muriel Salmona. D’autant plus que le traumatisme peut enfouir l’événement dans une amnésie parfois durable.
Interroger « systématiquement » les enfants
C’est pourquoi cette formation invite les professionnels à interroger « systématiquement » les enfants sur ces violences éventuelles. « Car sinon tout s’oppose à leur parole », insiste la psychiatre psychotraumatologue. Certes, il importe d'abord de réagir à « tous les signes de souffrance » - des troubles du sommeil aux échecs scolaires, en passant par les automutilations ou les comportements sexualisés. « Selon l’âge, on peut alors demander à l’enfant si quelqu’un a été méchant, ou lui a fait quelque chose de gênant », propose Muriel Salmona. Mais même en dehors de tout symptôme, elle engage à assurer un « dépistage systématique », en ouvrant la discussion sur la base d’un livre, d'un film ou encore d'une émission…
Du 119 au 17
Et que faire en cas de soupçon ou de révélation, voire de péril imminent ? La formation rappelle les différents recours existants, du 119 « Allô enfance en danger » jusqu’à la police ou la gendarmerie en cas de péril imminent. « Chaque enfant qui pourra être protégé, grâce à ce module, sera pour nous une véritable victoire », espère déjà la présidente de l’association. Et la vigilance contre les violences sexuelles sur les mineurs pourrait encore redoubler dès ce 21 janvier : une proposition de loi d’Annick Billon doit être discutée au Sénat, afin de mieux « protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels ». À point nommé, effectivement...