Depuis le 1er septembre, Virginie Lasserre est la nouvelle directrice générale de la cohésion sociale (DGCS) en lieu et place de Jean-Philippe Vinquant. Par bien des aspects, cette haut fonctionnaire a un cheminement tout à fait inhabituel. Rencontre.
« Après Sciences Po, j'avais le choix entre travailler pour Bernard Kouchner [alors ministre de la santé et de l'action humanitaire dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy, NDLR] ou entrer à l'ENA. » Que pensez-vous que Virginie Lasserre fît ? Eh bien, à 21 ans, forte de son diplôme d'anthropologie sociale, elle n'hésita pas à s'engager auprès du ministre, incarnation des french doctors. La jeune fille de la Dordogne – père militaire, mère prof de philo – avait un rêve : travailler dans l'humanitaire... ou la diplomatie. Elle s'engagea dans l'humanitaire... au moins pour un temps.
Présente en Somalie
« Je me suis retrouvée pendant trois mois et demi à Mogadiscio pour gérer l'opération Du riz pour la Somalie. C'était très formateur, je vous assure », analyse-t-elle. Et quand on lui objecte que l'opération a été très critiquée, elle répond que ce fut la photo de Kouchner portant sur son épaule un sac de riz. Aujourd'hui, elle estime que son parcours a été bien plus riche que celui de bien des énarques.
Prouver plus que les autres
Effectivement, Virginie Lasserre a fait une croix sur l'ENA, mais pas sur une carrière dans l'administration, celle du ministère de l'intérieur plus précisément. Ça n'a pas été toujours simple, raconte-t-elle. « Quand on est une femme et qu'on n'est pas passée par l'ENA, on est obligée de prouver plus que les autres sa capacité à faire », souligne-t-elle. Des chantiers, elle en a conduit un tas dans le cadre de ses fonctions de sous-préfète. Dans l'Aisne, elle est très active pour faire émerger des projets de territoire, comme ce premier Fab' lab' qui permet, avec les techniques de la 3D, de construire des objets prototypes au service des entreprises et de former les enseignants aux nouvelles technologies.
Logement des réfugiés
La voilà ensuite sous-préfète dans un territoire urbain, les Hauts-de-Seine. En 2015, nous sommes en pleine crise migratoire. Elle est nommée coordinatrice départementale sur cette question. « J'ai eu la chance d’être missionnée pour la création d’une plateforme nationale pour le logement des réfugiés », explique-t-elle. Dans ce cadre, elle travaille avec la Délégation interministérielle pour l'hébergement et l'accès au logement (Dihal) et un peu avec la DGCS. Virginie Lasserre a également été conseillère au cabinet de Bertrand Delanoë, maire de Paris.
Pas moins de sept ministres
Avant qu'elle n'atterrisse à la DGCS, elle était affectée au département de l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés au ministère de l'Intérieur. Comme tout haut fonctionnaire, elle a été auditée par le comité d'audition présidé par le secrétariat général du gouvernement pour être nommée à la tête de la DGCS. Une administration de 260 agents qui dépend de pas moins de sept ministères.
Ethnocentrisme administratif
Le territoire... Virginie Lasserre y croit dur comme fer, parlant « d'intelligence des territoires ». « On ne fait pas assez connaître ce qui se fait de bien sur les territoires », assure-t-elle. Et pour faire vivre cette conviction, elle a décidé de bloquer un jour entier toutes les trois semaines dans un agenda quasi ministériel. Pour son premier déplacement, elle s'est rendue à Angers sur les problématiques de pauvreté. « Avoir eu tant d'expériences différentes me permet d'avoir du recul et de lutter contre un certain ethnocentrisme administratif », soutient-elle.
Dans le sud-est de l'Asie
Ce portrait ne serait pas complet si on ne racontait pas une histoire de vie. A la fin des années 90, Virginie Lasserre a participé à une campagne d'exploration avec un trois-mâts nommé la Boudeuse dans les eaux d'Asie du Sud-Est. Il s'agissait de repartir sur les traces de l'explorateur Bougainville pour mener une exploration scientifique en lien avec le Muséum d'histoire naturelle.
Détermination et santé
Dans un article de Libération qui raconte l'expédition, il est question de « trois petits jeunes » dont Virginie Lasserre. « Ils ont une formation basique d'ethnologue ou de géographe et surtout une santé et une détermination à toute épreuve », écrit le quotidien. De la détermination et de la santé, il va en falloir à la coureuse de semi-marathon qu'est Virginie Lasserre pour suivre toutes les réformes sociales de cette seconde partie de quinquennat.